Chapitre 13 - La plante domestiquée
L'utilisation des plantes par l'Homme est une très longue histoire qui commence par la cueillette, se développe avec l'agriculture et se poursuit aujourd'hui par l'utilisation des techniques les plus modernes. Les plantes constituent un enjeu majeur pour l’alimentation de l’humanité, mais aussi pour l’énergie et l’habillement.
Problématique : Par quelles méthodes l’Homme a-t-il transformé les plantes sauvages pour obtenir les variétés actuellement cultivées ?
I – La domestication des plantes sauvages :
1) De la cueillette à la culture de plantes sauvages :
Il y a 10.000 ans, certaines communautés de chasseurs-cueilleurs (Moyen-Orient, Amérique centrale, Chine, Indonésie) se sont mis à cultiver des plantes sauvages pour leur alimentation, leurs habits, leur médecine… A partir de ces foyers d'origine, l'agriculture s'est ensuite répandue dans le monde.
2) Des plantes sauvages aux plantes domestiques :
L’Homme, au départ, a choisi empiriquement, par sélection visuelle. Progressivement isolées des populations naturelles, les populations de plantes cultivées ont lentement divergé de leurs cousines sauvages du point de vue génétique. Une sélection naturelle s'est produite sous l'effet des pratiques culturales :
- la diversité génétique naturelle s'est considérablement réduite.
Ex. : Les plantes dont le rythme de croissance était nettement plus lent ou plus rapide que la moyenne ont eu moins de chances d'être récoltées puis semées. Génération après génération, les cycles de développement des individus sont donc devenus plus homogènes.
- des caractères normalement indispensables aux plantes sauvages ont été éliminés au profit de caractères mutés défavorables dans la nature.
Ex. : Les graines capables de se détacher seules de la plante mère ont eu moins de chances d'être récoltées puis semées que celles qui restaient attachées à la plante.
Ce processus a fait, en quelques siècles, apparaitre des plantes génétiquement mal adaptées à la vie sauvage et au contraire bien adaptées à la vie domestique.
II – La biodiversité cultivée d'origine paysanne :
1) Les paysans sont des sélectionneurs :
Les paysans cherchent depuis toujours à éliminer les plantes dont la croissance est anormale ou la récolte décevante. Inversement, ils conservent et ressèment les individus qui correspondent le mieux à leurs attentes. C’est la sélection massale empirique qui s’appuie sur l’observation sans connaissance et maitrise des principes sous-jacents. Elle a contribué au fil des millénaires à améliorer les performances des cultures, mais de façon lente et limitée. La population végétale ainsi sélectionnée présente des caractères hétérogènes et variables d’une génération à l’autre et seuls les caractères directement perceptibles peuvent être sélectionnés.
2) La diversité des variétés :
Pour chaque espèce cultivée, les critères de sélection ont pu varier selon les régions et les époques. Par ailleurs, la sélection naturelle s’est exercée sur les populations de plantes cultivées (sol, climat…). Les guerres, les famines, les voyages d’exploration ont souvent perturbé ces processus évolutifs. Des milliers de variétés paysannes se sont ainsi formées.
III – La sélection scientifique des plantes cultivées :
1) La révolution industrielle :
Au cours du XIXème siècle, la modernisation de l’agriculture européenne et l’industrialisation des filières de transformation nécessitent des plantes calibrées adaptées aux machines. Il est de plus nécessaire d’améliorer les rendements agricoles pour rentabiliser les machines et nourrir une population croissante. Les variétés paysannes, hétérogènes, variables dans le temps et peu productives ne conviennent plus.
En 1866, Mendel découvre les lois de la génétique. S’ouvre alors l’époque des plantes scientifiquement sélectionnées.
2) La sélection scientifique :
Le scientifique sélectionneur repère les meilleures plantes dans la diversité des variétés paysannes. Elles sont soumises à des autofécondations successives. A chaque génération, un tri est effectué pour ne garder que les individus les plus intéressants. En une dizaine de générations, le sélectionneur aboutit à des lignées pures génétiquement homogènes et stables. Une lignée est dite pure si les descendants sont identiques à la plante mère c’est-à-dire si les individus sont homozygotes pour les gènes considérés.
Chez certaines espèces (celles qui ne sont pas autofertiles naturellement), l’homozygotie affaiblit considérablement les plantes de lignée pure : les plants sont chétifs, moins vigoureux et moins productifs. On effectue alors des croisements entre lignées pures de manière à obtenir des variétés hybrides F1. Ces variétés combinent les caractères intéressants des deux géniteurs et retrouvent la ″vigueur″ perdue : c’est l’effet d’hétérosis.
3) Biotechnologies et génie génétique :
a) La culture in vitro :
Les techniques de culture in vitro permettent de régénérer une plante entière à partir de quelques cellules. La sélection scientifique peut donc s’effectuer en laboratoire sur des cellules, ce qui est plus rapide et plus économique que dans un champ. Elles sont aussi utilisées pour créer de la diversité en provoquant des mutations dans les cellules afin d’obtenir des plantes aux caractères nouveaux (mutagenèse), ou encore en forçant les cellules végétales privées de leur paroi (protoplastes) à fusionner pour obtenir des hybrides entre espèces différentes.
Ex. Nectarine brugnon.
b) Le génie génétique :
A partir de 1970, les scientifiques mettent au point des techniques permettant de découper l’ADN, de visualiser les fragments obtenus et d’obtenir la séquence exacte des nucléotides. On peut alors faire de la sélection assistée par marqueurs.
20 ans plus tard, la transgénèse permet de transférer des gènes provenant de n’importe quel être vivant chez des végétaux.
IV – Les enjeux contemporains :
1) L’utilisation des plantes cultivées :
La croissance démographique, l’occidentalisation des modes de vie nécessitent des gains de productivité, donc des plantes encore plus rentables. Il faut aussi créer des plantes pour de nouveaux usages : biocarburants, production de nouveaux matériaux, médicaments, dépollution des sols…
2) L’environnement :
Les nouvelles plantes cultivées devront :
- être adaptées aux changements climatiques,
- permettre une agriculture plus respectueuse de la santé et de l’environnement : réduction des consommations d’eau, d’engrais et de pesticides,
- mieux respecter la biodiversité cultivée qui a fortement diminué depuis un siècle du fait du remplacement des variétés paysannes par des variétés scientifiques ″élite″ standardisées.
C’est pourquoi certains agriculteurs souhaitent réhabiliter les variétés paysannes, mais ils se heurtent à des difficultés techniques et juridiques.
Conclusion :
Les plantes sont à la base de l'alimentation humaine et constituent également des ressources dans d'autres domaines (industrie pharmaceutique, biocarburants…). Maitriser l'exploitation des plantes constitue donc un enjeu majeur pour l'humanité.